L'ergothérapie à l'urgence

Que font les ergothérapeutes à l’urgence?

Les modèles ergothérapiques de pratique sur lesquels se basent les ergothérapeutes à l'urgence reposent sur l'interaction entre la personne et son environnement en vue de la réalisation de ses activités de la vie de tous les jours et de sa participation sociale.

 Au Québec :

Une première étude descriptive de la pratique de l'ergothérapie en salle d'urgence au Québec réalisée par Nathalie Veillette et ses collaborateurs en 2007 documente divers aspects de cette pratique, notamment la nature des requêtes reçues par les ergothérapeutes. Les évaluations demandées portent, par ordre de fréquence, sur les habiletés cognitives, les activités de la vie quotidienne, la sécurité du retour à domicile, la dysphagie et les déplacements.

  • Veillette, N., Demers, L. & Dutil, E. (2007). Description de la pratique des ergothérapeutes du Québec en salle d'urgence. Revue Canadienne d’Ergothérapie, 74(4), 348-358. http://dx.doi.org/10.2182/cjot.07.006

Ces données ont été mises à jour lors d’un sondage réalisé en 2014 auprès des ergothérapeutes membres de l’Ordre des ergothérapeutes du Québec. Un article est actuellement en préparation pour rendre compte de l’évolution de cette pratique dans les départements d’urgence québécois.

 Au Canada :

Dans une présentation livrée au congrès de l’Association canadienne d’ergothérapie (ACE) en 2014 à Frédéricton, Jessie Trenholm (Jessie.Trenholm@AlbertaHealthServices.ca) décrit les différents rôles d’un ergothérapeute qui pratique à l’urgence à l’aide d’exemples vécus lors d’un projet-pilote d’implantation de services en ergothérapie à l’Hôpital Général Rockyview (Calgary, Alberta). Elle explique notamment l’apport de l’ergothérapeute à travers différents cas cliniques et comment ses recommandations ont permis de modifier l’orientation au congé de certains usagers en prévenant des admissions non-nécessaires et des retours à domicile non-sécuritaires.

En Australie :

Une étude Australienne décrit les services d’ergothérapie dans les départements d’urgence et conclue que le rôle des ergothérapeutes comprend l’évaluation fonctionnelle et ainsi que des interventions telles que la recommandation d’équipements, l’éducation au patient et des références aux ressources communautaires et de soutien afin de s’assurer du congé sécuritaire ou contribuer à l’orientation pour les admissions.

En Suède :

Une étude suédoise aborde la perception qu’ont les ergothérapeutes suédois de leur travail à l’urgence ainsi que les différentes stratégies utilisées par les ergothérapeutes Suédois pour développer cette pratique professionnelle. Via une approche qualitative descriptive, l’analyse de contenu de 14 entrevues fait ressortir que les ergothérapeutes ont le sentiment que leur travail a comme thème central l’occupation et que leur pratique est bien reconnue dans un contexte de soins d'urgence. Les résultats mentionnent différentes stratégies utilisées pour démontrer l'efficacité de l'ergothérapie et de ses approches pour les patients et les autres professionnels des soins de santé. Contrairement à d’autres études sur le sujet, les ergothérapeutes suédois connaissent peu de difficulté à expliquer l'ergothérapie et à présenter des arguments convaincants pour leurs interventions. En résumé, les ergothérapeutes suédois semblent avoir trouvé une façon efficace de mettre en place leurs services dans un établissement de soins d'urgence.

En Écosse:

Un groupe d’ergothérapeutes Écossais (Fraser et al., 2005) ont publié des lignes directrices concernant la pratique de l’ergothérapie au département « Accident and Emergency (A&E) ». On y mentionne que les objectifs des ergothérapeutes sont de prioriser les patients qui auront congé et d'évaluer ces patients pour assurer des congés sécuritaires lorsqu’ils quittent l’urgence, d’identifier les patients nécessitant des services subséquents en ergothérapie (soit en clinique externe ou dans des services traditionnels) et jouer un rôle actif dans le processus multidisciplinaire de congé pour les patients qui retournent à domicile directement à partir de l’urgence.

Les évaluations initiales pratiquées à l’urgence par les ergothérapeutes portent sur les habiletés cognitives (attention, orientation, résolution de problème, mémoire et humeur), les déplacements, les transferts et la mobilité fonctionnelle (les mouvements nécessaires pour effectuer des tâches simples et fonctionnelles,  comme par exemple l’habillage). Des évaluations plus poussées peuvent être réalisées au besoin; elles portent sur l’évaluation des activités de la vie quotidiennes, l'évaluation à la préparation de repas, l'évaluation cognitive et des évaluations à domicile.

Des informations additionnelles concernant la  pratique de l’ergothérapie à l’urgence en Écosse sont mentionnées dans un autre document (Armstrong, 2010). On y rapporte que les ergothérapeutes et les physiothérapeutes qui travaillent à l’urgence complètent des évaluations fonctionnelles rapides qui peuvent inclure les aspects suivants :   le consentement, la cognition et la communication, l'historique de chutes, la douleur, l’évaluation sensori-motrice, la pression artérielle ainsi que l'évaluation fonctionnelle (transferts assis-debout, équilibre, escaliers, activités de la vie quotidienne, soutien social).

Particularités du travail de l’ergothérapeute à l’urgence

Les ergothérapeutes qui pratiquent l'ergothérapie à l'urgence font face à des particularités qui se résument en six principaux thèmes.

  1. Les délais très courts imposés pour répondre aux requêtes qui leur sont adressées. 
  2. L'environnement physique qui est un problème pour les ergothérapeutes qui souhaiteraient bénéficier d'espaces mieux adaptés pour procéder à des mises en situation et échanger avec leurs clients.
  3. Le manque de temps pour intervenir et répondre aux besoins décelés chez la clientèle de l'urgence, qui fait en sorte que les ergothérapeutes se sentent obligés de prioriser certains domaines de fonctionnement, au détriment de l'ensemble de ceux qu'ils ont identifiés.
  4. La coordination entre les divers services professionnels  qui entraîne parfois des difficultés comme  par exemple des conflits d'horaire entre les tests diagnostiques et les consultations professionnelles, qui font perdre du temps aux intervenants et engendrent un sentiment de frustration.
  5. Une méconnaissance du rôle de l'ergothérapeute, qui se traduit par des références inappropriées aux ergothérapeutes, qui sont sollicités pour répondre à des requêtes qui ne relèvent pas de leur domaine de compétence ou qui ne sont pas pertinentes à l'évaluation en ergothérapie.
  6. La charge mentale élevée qui découle du rythme intense de travail, de la lourdeur et de la complexité des problématiques rencontrées auprès des clientèles de l'urgence.

Clientèle de l’urgence qui présente des troubles cognitifs

Une proportion importante de la clientèle âgée qui consulte l’urgence présente des troubles cognitifs (Thompson & Allen, 2008, Samara et al. 2010, Chiovenda et al. 2002). Selon diverses sources, et en fonction des contextes cliniques des pays où ont été réalisées ces études, la proportion varie entre 21% et 42% (Sampson et al., 2009; Gray et al., 2003; Clevenger et al., 2012).

  • Chiovenda, P., Vincentelli, G. M. & Alegiani, F. (2002). Cognitive impairment in elderly ED patients: need for multidimensional assessment for better management after discharge. The American Journal of Emergency Medicine, 20(4), 332-335. http://dx.doi.org/10.1053/ajem.2002.33785
  • Clevenger, C. K., Chu, T. A., Yang, Z. and Hepburn, K. W. (2012). Clinical care of persons with dementia in the emergency department: a review of the literature and agenda for research. Journal of the American Geriatrics Society, 60(9), 1742-1748. http://dx.doi.org/10.1111/j.1532-5415.2012.04108.x
  • Gray, L. C., Peel, N. M., Costa, A. P., Burkett, E., Dey, A.B., Jonsson, P. V., Lakhan, P., Ljunggren, G., Sjrostrand, F., Swoboda, W., Wellens, N. I. H. and Hirdes, J. (2013). Profiles of Older Patients in the Emergency Department: Findings From the interRAI Multinational emergency Department Study. Annals of Emergency Medecine, 62(5), 467-474. http://dx.doi.org/10.1016/j.annemergmed.2013.05.008
  • Sampson, E. L., Blanchard, M. R., Jones, L., Tookman, A. and King, M. (2009). Dementia in the acute hospital: prospective cohort study of prevalence and mortality. The British Journal of Psychiatry, 195(1), 61-66. http://dx.doi.org/10.1192/bjp.bp.108.055335

Dans son mémoire de maîtrise scientifique, Julia Robitaille a exploré l’implication des ergothérapeutes dans les équipes multidisciplinaires relativement à leur rôle pour l’évaluation des habilités fonctionnelles ainsi que l’orientation au congé d’un échantillon de personnes âgées présentant des troubles cognitifs qui ont été évaluées à l’urgence à l’aide de l’outil ESFU-PA.

  • Robitaille, J. (2013). L’évaluation du statut fonctionnel à l’urgence de la personne âgée ayant des troubles cognitifs : Un prédicteur de l’orientation à la sortie ? (Mémoire de maitrise, Université Laval). Repéré à www.theses.ulaval.ca/2013/29916/29916.pdf

Vous pouvez aussi cliquer sur le lien suivant pour consulter l’affiche qui a été présentée au Congrès de l’Association canadienne d’ergothérapie à Victoria en 2013: